Lu Vu Entendu de début juin 2005








Comme cette jeune femme avec sa robe tournoyante bleutée, s'inspirant en un mouvement gracieux, du rite d'un derviche tourneur jovial mais imaginaire. Comme les langueurs et les éclats de ce bel été qui s'annonce, insolent d'une moite délicatesse pour les indolents convaincus, occupés à l'art subtil d'une lecture enivrante sous l'ombre protectrice d'un arbre chenu. Comme le votre d'été, que je vous souhaite radieux, que vous soyez un zélateur d'activités continues, ou bien négligemment installé dans des rêveries solaires. Le plein de mes petites découvertes du moment c'est tout de suite, en dessous. Lu Vu Entendu, dixième de l'année, faîtes votre choix !

Vu :

Le film Imposture de Patrick Bouchitey ***


Adaptation très libre du roman de Jose Angel Manas, Je suis un écrivain frustré, Imposture est un thriller littéraire inquiétant qui bascule dans un huit clos étrange. Enfermement mental d'un critique frustré qui dérape pour tenter d'assouvir l'attente de son public d'un bouquin qu'il n'arrive pas à rédiger. Grand classique des affres de la création livresque, revisité par la noirceur élégante de Bouchitey, à la fois acteur et réalisateur, au prise dans son rôle de Serge Pommier, un enseignant universitaire désabusé, avec le talent tant espéré d'une de ses étudiantes Jeanne Goudimel alias Laetitia Chardonnet qui campe ici son personnage de dépossédée avec beaucoup de réalisme et de conviction. Pommier usurpateur des pages écrites avec brio par une Jeanne en retrait et silencieuse. Paradoxe du film on n'arrive pas à détester ce critique ambitieux et sans scrupules, car l'intrigue, en un suspens époustouflant, nous entraîne sur les rives de sentiments diffus et ambivalents. Qui est le bourreau, qui est prisonnier de l'autre ? Oeuvre aussi bien construite, dans un registre dramatique parallèle, au film La lune froide, tant décrié à sa sortie en 1991. Le cinéma français et Patrick Bouchitey : une longue peur réciproque...


Lu :

Alain Pacadis / Nightclubbing **


Les quadras parisiens aux tempes maintenant grisonnantes vont sans doute adorer ce livre, qui regroupe les articles courants de 1973 à 86, du chroniqueur faussement mondain que fut Alain Pacadis, noctambule trash baigné dans la tradition déjantée d'un romantisme rock'n rollien devenu aujourd'hui un petit peu poussiéreux. Dans l'air du temps d'alors, Alain Pacadis traîne son cynisme ostentatoire au fil d'interviews de célébrités remarquablement écrites, Burroughts, Iggy Pop, Warhol, Gainsbourg. Incroyable le flair de ce type, toujours au courant de la prochaine tendance, de la star qui va monter ou du dernier resto ou il faut être. Petite anthologie de tranches des vanités de la vie nocturne, traitée tel un journal intime, avec plein d'anecdotes truculentes sur les moeurs et usages en cours au Palace, le temple de la branchitude de l'époque et dans d'autres lieux. Belle liberté de ton d'un livre au contenu mouvementé avec des articles écrits quelques heures après les faits, bruts de réel. Imaginerait-on en 2005 un rédacteur en chef accepter qu'un pigiste défait par les trop nombreux verres d'une inauguration à la mode vienne rédiger au petit matin son compte rendu, accompagné de Lola La Panthère et d'un éphèbe cocaïnomane sanglé de cuir ?
Vision bien éloignée de mes nombreuses pérégrinations de sorties, composées de bar lounges inspirées, de concerts en petits comités et de boissons sans alcool. Ne vous marrez pas, avec ce régime, à quatre heures du mat, au sortir de ces endroits, j'arrive à rentrer chez moi en skate en descendant la redoutable pente de la Petite Rue du Port sans encombre !



Entendu :

Fiona Apple / Extraordinary Machine ***


Drôle d'aventure que ce troisième et dernier album de Fiona Apple achevé en studio depuis 2002 sur le label Epic et que Sony Music, son propriétaire refuse de sortir prétextant un manque de potentiel commercial. N'importe quoi ! Le CD a été unanimement salué par tous ses fans, la presse, pour une fois, parle d'album de l'année (mais laquelle au fait ? arf) et tous les musiciens l'adorent. Résultat pour se venger, des fidèles enregistrent des titres entendus sur une radio de Seattle pour les diffuser de façon intensive sur les réseaux. C'est maintenant l'intégralité de Extraordinary Machine qui circule sur le Net, au grand regret de Sony et son armada de commerciaux et juristes imbéciles et navrants ! Eh les gars vous venez de rater un énorme paquet de dollars là !
La voix de Fiona est bouleversante, profonde, avec des arrangements très épurés à base de piano classique, d'une batterie et d'instruments à cordes. L'ambiance est cabaret bluesly, sauce musique contemporaine, le tout saupoudré de rock . Incroyable ! Sur les onze titres sans défaut j'ai préféré le désespéré "Red, Red, Red" et son contraire plein d'énergie "Get him back" et "Window" et son carillon lointain. Je ne veux pas vous encourager à l'illégalité, mais en tapant Fiona Apple dans votre moteur de recherche habituel avec très peu de patience les chansons de la belle sont au bout de pages HTML....
Sony = gros nazes vraiment !

quelques liens sur l'affaire ici et sur ce blog et un petit résumé en français sur l'artiste



Mer. - Juin 1, 2005          



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