Lu Vu Entendu de mi-avril 2005








Dans un premier temps, pour diversifier mes activités, j'ai envisagé d'essayer de monter une start-up pour commercialiser des pinces-pantalon flashy pour fashion victims cyclistes, mais le marché potentiel avoisinant les 0,0037 %, le concept était trop avant-gardiste. Ensuite, grâce à mon physique avantageux et mes épaules taillées en arbalète, modèle FisherPrice, j'aurais bien aimé séduire une star du cinéma telle que Julie Delpy, mais la belle, brisant mes envies de notoriété avec un bellâtre hollywoodien du nom d’Ethan Hawke, s'avérait injoignable ! Julie, Julie est-tu sûre d'avoir fait le bon choix avec un type à la carrure sans doute bourrée de stéroïdes ? Puis, lassé de ces quêtes impossibles, je me suis souvenu que partager mes idées et découvertes du moment me manquait terriblement et que mon blog, en déshérence, avait besoin du flot malhabile de mes propos sporadiques. Lu Vu Entendu, dernière mouture du moment, pleine de mes petits suppléments d'âme, pour rester éveillé aux grands chambardements d'un film exalté, de photos définitives et de musique kaléidoscopique.
One more time...

Vu :
Le film Dig de Ondi Timoner ***


Ce road movie documentaire, court sur sept ans d'histoire des carrières musicales, trashs et jubilatoires, de deux combos cultes de la côte ouest des USA. Dans le rôle réel du groupe talentueux maudit, les Brian Jonestown Massacre, résidents psychotiques de San Francisco, à la musique somptueuse, désespérément belle de noirceur sixteen et orientaliste, totalement asservi par Anton Newcombe, leader charismatique, insoumis aux lois commerciales des majors. À ma droite, les flamboyants Dandy Warhols, complices de Portland, que l'ascension régulière dans les charts, rayon alternatif présentable, va éloigner des préoccupations idéalistes de leur alter ego de Frisco et faire un peu oublier les provocations des débuts : obscénités scéniques, surdoses de drogues dures fréquentes et vie backstage totalement tumultueuse et infernale. La réalisatrice Ondi Timoner, avec son équipe, a su trouvé le ton juste pour montrer deux parcours parallèles, liés par une ferveur musicale singulière, même si on pourrait sembler dubitatif sur les habituels clichés rock 'n roll. Seulement, ici, cette odyssée dissolue est vraie, authentique, presque sans apesanteur, filmée sans complaisance ni artifices, au cours des pérégrinations hallucinées de concerts inspirés, de tranches de vie chaotique dans des motels et de grands éclats de rire illuminés et magnifiques. Les coulisses d'un certain rock dont sortent parfois des chansons bouleversantes de beauté venimeuse, à l'aura emblématique et insidieuse. Vivre vite, intensément avant que la mort ne nous rattrape, mais gare à la chute, en cas de perte de contrôle, comme a pu le vivre les Brian Jonestown, malgré leur niveau musical largement supérieur aux possibilités des Dandy Warhols, plus réalistes avec les compromissions du succès. Quand la fin d'une amitié d'adolescents coïncide avec l'envolée de la renommée.
"We used to be friends" chantent dans un élan de lucidité les Dandys désabusés. Si justement.

Lu :
Auteur Claude Maggiori / interview d'image **


On ne présente plus Claude Maggiori, un des membres fondateurs du journal Libération et brillant directeur artistique de multiples publications. Bizarrement le livre Interview d'image est passé relativement inaperçu depuis sa sortie en mai 2004. Compilations de photos de presse inédites ou bien signifiantes du siècle passé et du début de celui-ci, Claude Maggiori, sans discours inutile, nous laisse analyser la vie propre d'illustrations parfois violentes, chargées d'histoire, afin de décoder et de comprendre les "détails" de l'époque concernée. La profusion de visuels banalise elle l'impact d'une photo, fut-elle de dimension planétaire ? Sommes-nous des consommateurs blindés des images du monde, à cause du flot incessant d'informations ? C'est bien qu'un homme, issu du sérail de la presse, apporte une réflexion lucide et sous-jacente sur le pouvoir supposé d'images de société et de reportages. Et vous, vous souvenez-vous du pourquoi d'un cliché journalistique qui a attiré votre attention ? Et pendant combien de temps ?

Entendu :
Groupe: Fischerspooner / Odyssey ***


Musiciens prolixes mais inclassables, les membres new-yorkais de cette formation à tendance electro (?) sont Warren Fischer pour les compositions et Casey Spooner pour les lyrics. Savants mixeurs de boucles impossibles, ils ont su pressentir, avant tout le monde, la nécessité de retourner à un son plus analogique pour éviter la sécheresse musicale. Dans la grande lignée des amateurs (re)découvrant la chaleur mélodique des moogs 70. Ici, on est dans des mélodies luxuriantes et psychédéliques en une sorte d'electro-pop incertain, presque avec certaines sonorités de groupes anglais, pleines de distorsion de guitares puissantes. Groupe phare, émergé de la scène arty de New York city, Fischerspooner a quelque peu délaissé les performances dansantes dans des endroits confidentiels, pour concentrer son énergie sur des constructions musicales très particulières. Les lignes de basse, le rythme, les mélodies et les arrangements si sophistiqués contribuent à l'ambiance maniérée et entêtante de cet album dansant et hypnotique. Tous les titres sont bons, mais ma préférence va à la ballade "Kick in The Teeth" et aux effets réjouissants de "Cloud". Co-produit par le français Mirwais et avec la collaboration de l'intellectuelle Susan Sontag, la chanson "We Need a War" est une dénonciation habile de la guerre en Irak. Dansez sur ces atmosphères sucrées et éthérées, avec parfois en arrière-plan des gimmicks sonores de jeux vidéos samplés et retravaillés. On découvre à chaque nouvelle écoute des subtilités d'harmonie. Odyssey, l'album à tiroirs, une Pandora Box captivante, définitivement.

A kick In the teeth

Sawing,
With my jaw tooth down.

Guarded,
Down upside frown.

I‘m, I‘m looking for a pill,
Something to ease my will,
A kick in the teeth.

You, You may not realize,
When it‘s done or why,
But it may be the best thing, it may be the best thing.
Ohhhhhhhhhhhh and it may be the best thing.

Pulsing,
With a familiar pain.

A comfort,
From this disdain.
Grind away.

I‘m, I‘m looking for a thrill,
Something to ease my will,

You, You may not realize,
When it‘s done or why,

But it may be the best thing, it may be the best thing.
Ohhhhhhhhhhhh and it may be the best thing.


Sam. - Avril 16, 2005          



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