Lu Vu Entendu du 22 mars 2005







Petit décalage temporel pour ce Lu Vu Entendu, initialement prévu pour le 15 de ce mois-ci, et que les aléas de ma vie désordonnée ont repoussé de quelques jours. Mes petites vacances impromptues, le printemps, une grosse flemmardise, toussa quoi ! Oui les jours rallongent et les jupes raccourcissent [mode idiot on]. Pas uniquement des nouveautés, mais un film inspiré, un bouquin malicieux et des musiciennes énervées qui forment la trilogie de ce billet sur des vies made in USA, avec l'utopique rêve américain un peu écorné par la réalité sous-jacente.

Vu :
Le film The Million Dollar Hotel de Wim Wenders **


Le moins que l'on puisse dire, au sujet et sur le sujet de ce vingtième opus de Wenders, c'est qu'il est à la fois troublant, poétique et un peu énervant avec ce que l'on pourrait prendre pour du voyeurisme social. Existences décalées de losers magnifiques dans un ailleurs altéré, à travers un long flash-back, avec en fil conducteur sur la mort accidentelle (?) de Izzy, Tom Tom amoureux transi d'Éloise, perdue dans son nihilisme sans retour. L'intrigue est superbement filmée dans un ancien palace décati, avec le brio et les tics habituels du réalisateur, qui a su néanmoins insuffler et développer le jeu difficile des acteurs : Milla Jovovich (Éloise) à contre-emploi, mais convaincante, Jeremy Davies (Tom Tom) dans le rôle d'un déficient mental émouvant et Mel Gibson, alias Skinner, en enquêteur du FBI pugnace. Bono de U2 est à la fois coscénariste, avec Nicholas Klein, de l'oeuvre dont il compose une bande-son bien faite et, caprice de star, a obtenu un petit rôle de figurant. Los Angeles, la cité des anges, mais ceux-là sont quelque peu déchus.


Lu :
Richard Brautignan / Tokyo-Montana express ***


Trop vite classé dans les écrivains de la beat generation, Brautignan a été un auteur prolixe, au style concis, faussement naïf, avec cette facilité déconcertante pour raconter et sublimer de courtes histoires ordinaires. Éditée en 1981 pour la version française, la traduction de Robert Pépin restitue bien l'imaginaire des nouvelles de Tokyo-Montana express dans ces petits univers tantôt oniriques, tels que "la plus petite tempête de neige jamais recensée" ou bien emprunt de moquerie religieuse, très prosaïque, comme le superbe "De la perte d'une place de parking". Pirouettes de mots pour des instantanés de situations, ce livre est un parcours, une errance volontaire, au fil de chapitres allant de quelques lignes à plusieurs pages. Une sorte de collage littéraire ironique et désinvolte. J'ai lu ce recueil d'une traite avec, à la fin, le bruit mat du livre que l'on referme, comme pour reprendre une respiration mentale.


Entendu :
Groupe Le Tigre / This Island **


Lesbiennes radicales militantes et sans complexes, ces new-yorkaises fougueuses, manient l'electro punk avec brio, sur des beats sursaturés et inventifs, avec un gros son ample, réhaussé par des paroles souvent engagées. Manifeste pour la paix avec la chanson "New Kicks" qui fait penser à du Beastie boys, guitares vitaminées encore et sampling lancinant dans "TKO", reprise de "I'm so excited des Pointers Sisters tendance synthétique, les trois diablesses ont cette polyvalence musicale décapante qui donne envie de se bouger. Rock altitude, rock attitude, mais qui oserait encore parler de sexe faible en écoutant ces passionarias ?


Lun. - Mars 21, 2005          



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