Lu Vu Entendu de début mai 2005







J'entends souvent le reproche, parfois avec des arrières pensées élitistes, qu'il y aurait des créations artistiques commerciales et d'autres qui ne le seraient pas, reléguant dans les rangs du vulgus populus des artistes qui ont eu la mauvaise idée de devenir connus. Comme si, en ce siècle de la profusion culturelle, le dernier critère des précieuses ridicules modernes serait le degré de reconnaissance de tel chanteur, écrivain ou réalisateur. Désolé les pseudo élites, j'aime à la fois l'accordéon popu d' Yvette Horner et les expérimentations electro-acoustiques de John Cage. Mais aussi Belmondo dans L'homme de Rio, au même titre que les films de Kurosawa. Et le pire, c'est que je ne suis pas le seul. Et si le grand hype de ce nouveau millénaire était d'aimer des oeuvres avec des lectures différentes ?

Vu :
Le film The Weather Underground de Sam Green **


Réalisé à partir de documents d'archives, ce documentaire bien construit retrace les parcours agités des Weathermens, activistes radicaux des années 70, aux actions subversives contre la guerre du Vietnam et le gouvernement de Nixon alors en place. Leur particularité était de poser des bombes dans des bâtiments fédéraux américains, en prenant soin qu'il n'y ai pas de victimes. Clandestinité galopante, baigné par un idéalisme désespéré parfois trop entier, les derniers militants se rendront en 1980 après avoir fait flipper le pouvoir en place. Aujourd'hui Bernardine Dohrn, respectable avocate libérale et Bill Ayers, professeur de pédagogie, font leur autocritique sans rien renier de leurs engagements passés. Un film juste et dérangeant, qui ne tombe pas dans le mythe romantique du bon révolutionnaire, mais rappelle que l'idéologie confrontée au réel rend parfois amer mais lucide.

Lu :
Steven Heller / De Merz à Emigre et au délà ***


On a tout de suite un aperçu du contenu de ce livre avec le sous-titre : graphismes et magazines des avant-gardes au XX° siècle. Steven Heller, directeur artistique du New York Times, a rédigé ici, en neuf parties, la quintessence de la mise en page et de la typographie de cent ans d'esthétisme créateur avec de nombreuses illustrations inédites. De Apollinaire, en passant par les futuristes et autres dadaïstes, pour rejoindre les excès colorés de la période psychédélique, l'auteur décortique les codes et les innovations liées aux formes et à la forme. 240 pages de bonheur visuel pour les graphistes en herbe ou confirmés !

Entendu :
Groupe The Books / Lost And Safe **


Vous risquez d'être un peu dérouté par l'ambiance délicate de ce mix de vignettes sonores, réalisé à coup de cuts numériques et de montages expérimentaux. Du Boulez revisité pop, aux frontières d'un folk minimaliste ou parfois electro. La musique de ce duo new-yorkais méconnu, Nick Zammuto et Paul de Jong sont des surréalistes tardifs, ingénieux et facétieux. Ils ont mis au point une sorte de sculpture à base de tuyaux musicaux dont vous pouvez entendre les effets sur le lancinant "Be good to them always". Autre chanson magique (mais peut-on encore parler de chant ?) "An animated description of Mr Maps". Résolument inclassables, à la manière du bande-son d'un Alice au pays des merveilles dont ils revendiquent justement la parenté. Vous ne vous agiterez pas sur les dance floors avec cette musique déconstruite, mais faites attention, son pouvoir hypnotique vous fera appuyer sur la touche replay.



Sam. - Avril 30, 2005          



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