Lu Vu Entendu de début janvier












Parfois, comme en ce moment, j'ai l'agréable illusion de croire que je dévore la vie, mais à ce jeu des grands appétits existentiels ne serait pas elle la grande prédatrice de temps ? En attendant de trouver une réponse pertinente à cette futile interrogation, voici la sélection habituelle des "choses" culturelles récentes que j'ai bien aimées.


Vu :
Le film Dans les champs de bataille de Danièle Arbid ***



Premier long métrage de Danièle Arbid, jeune réalisatrice libanaise, Dans les champs de bataille retrace un moment de l'histoire de relations familiales abruptes dans le Beyrouth meurtrier de 1983. Pourtant, malgré l'omniprésence et la latence du conflit, à aucun moment on ne voit de scènes militaires, car la guerre qui se joue ici est celle des itinéraires divergents des membres de cette famille en voie de désagrégation. Un père joueur de poker et destructeur, une mère aux envies d'émancipation et une grand mère despote vont donner malgré eux à Lina, jeune fille de 12 ans, la rage désespérée de la vie, dans une ville où l'urgence, l'amour, la trahison et la mort se côtoient en un vaste ballet incertain. Face au destin brisé de cette famille, exacerbé par le contexte géographique du conflit, Danièle Arbid nous livre ici une tranche de vie très réaliste, à mi-chemin entre le documentaire et la fresque historique. Bien que les dialogues soient en libanais sous-titrés en français, on est littéralement happé par ce film au fatalisme irrémédiable et à la beauté lyrique moyenne orientale.

Lu :
Futuropolis le retour ****



Bonne nouvelle pour les amateurs de BD les éditions Futuropolis en sommeil depuis une dizaine d'années vont être réactivé, grâce aux efforts conjoints de Gallimard et des éditions du Soleil qui sera le diffuseur. À son apogée, Futuropolis, créé par Etienne Robial en 1972, disposait d'un catalogue de quelques 500 titres et nombres d'auteurs talentueux ont été publiés par ce label indépendant et non des moindres : Bilal, Tardi, F'Murr, Loustal, Munos, Juillard, Gotting, Baudoin, Cestac et quelques dizaines d'autres. Futuropolis était réputée pour la qualité et les formats hors normes de ses publications. Si vous disposez, dans votre bibliothèque d'un ouvrage de cette maison d'édition, gardez-le précieusement, car il a toutes les chances de devenir un collector recherché et hors de prix. Et si vous êtes inquiet pour votre avenir, plutôt que de placer sottement vos petites économies dans des fonds de pension aventureux et aléatoires, achetez donc des tirages limités de Futuropolis : vous ferez ainsi oeuvre de préservation d'un élément de notre patrimoine culturelle et c'est beaucoup plus agréable à lire qu'une action de mine d'uranium !

Entendu :
Groupe: Luke / Album: La Tête en arrière ***



Dans la famille Rock Indé j'appelle Luke, fer de lance bordelais de la guitare survitaminée et de textes mordants et désenchantés. Bien sur, à la première écoute, on pourrait craindre un de ces unièmes combos d'adolescents acnéiques et révoltés prenant à partie le monde entier avec leurs états d'âme tourmentés et postpunks. Et bien oui, mais pas seulement! D'abord parce que leur musique reste mélodique et bien construite et que les paroles ont du sens. À l'époque des pseudo chanteurs arrivistes de la Star Academy (3 fois beurk), un groupe tel que Luke est rigoureusement indispensable avec des titres non anesthésiants comme Petite France, La Sentinelle ou Seveso. La difficulté avec ces jeunes gens c'est de déterminer quelles sont les meilleures chansons, car elles sont toutes vraiment bien ! Vraiment.


Mar. - Janvier 4, 2005          



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