Vous avez dit politiquement correct ?



Si je vous dis que le terme black est plus acceptable que de dire noir, lui même moins péjoratif que jaune, vous pensez sans doute que je vais vous ennuyer avec de la sémantique lexicale (dont la simple évocation a de terribles pouvoirs paralysants).

Eh bien non ! le propos de cet article repose sur l'acceptation ou le rejet du politiquement correct . Certains, et d'une façon pas toujours innocente, ne se sont mis à fustiger cette complexification du langage sous le prétexte d'un bon sens usuel. Comme d'habitude, la justesse de ces réflexions doit dépasser le cadre étroit des partisans d'un bord ou de l'autre.

Il est vrai cependant que le militantisme linguistique peut conduire à une sorte d'inflation verbale : ne dites pas grosse colère, à connotation néandertalienne, mais processus adrénalinique de démonstration et préférer velléité d'euthanasie active, moins salissant à l'ordinaire tentative de meurtre. Passé le coté anecdotique de ces outrances syntaxiques de quoi parle t'on ? le politiquement correct se résumerait' il à des tics de langages d'intellectuels progressistes et dernière question qui tue (pardon qui annihile l'existence !) le politiquement correct est-il soluble en dehors de cercles littéraires ?

L'origine de ce phrasé polémique prend sa source, dans la mise en place par l'équipe de Kennedy, au cours des années 60 de l'Affirmative Action visant à instituer des quotas obligatoires pour insérer les femmes et les minorités dans tous les secteurs de la société civile. Même si l'Affirmative Action est une reconnaissance officielle du verrouillage social de cette période, il a permis l'intégration de milliers de colored people (pour reprendre la terminologie traditionnelle de l'époque) et l'accession à des emplois qualifiés pour la gent féminine. De là est né sur les campus universitaires une interrogation sur les terminologies acceptables des mots : le politiquement correct était créé. Il faut reconnaître le mérite de ces questionnements, car les mots ne pouvaient cacher le dictionnaire officiel. Le terme d'homme de couleur, même s'il renvoie à une considération ethnique pas très égalitaire, a été une avancée (de perception aussi) par rapport au mot nigger fréquemment utilisé dans le sud des États Unis. Nigger est l'équivalent américain à notre pas très sympathique bougnoule, si cher aux primates de l'extrême droite. Et si l'on peut se gausser des quelques exagérations citées plus haut, le politiquement correct, bien qu'il véhicule une morale de boy scout puritain, a été une amélioration linguistique pour circonscrire les nombreux dérapages du parlé et de l'écrit dont les mots pédale, gonzesse, youpin étaient couramment admis sans que d'aucun ne s'en offusque.

Rien n'étant jamais acquis, méfiez vous cependant des tenants d'un certain immobilisme moral. Le philosophe (enfin prétendu comme tel) Alain Finkielkraut a publié un ouvrage de D'Souza dont le ton pamphlétaire s'en prend au soi disant monopole, je cite, des lesbiennes haineuses, des noirs intransigeants et des universitaires manipulateurs, vision réductrice de désinformation partisane. On pourrait continuer avec Annie Kriegel, qui, d'une plume alerte, a abondamment fustigé dans le Figaro le politiquement correct avec d'habiles sophismes sur l'égalité. Ne dressons pas un inventaire du bien et du pas bien, chacun doit être assez responsable pour se faire une opinion et tout le monde a ses petites faiblesses. À commencer par moi qui suit très énervé, chaque matin, par la vision des gros nibards (heu grosse poitrine c'est mieux) de ma voisine du deuxième, une cochonne (célibataire sexuellement disponible ?) que j'aimerais bien coincer dans l'escalier (inviter à grimper au septième ciel ? c'est encore pire !). Ma vie est un enfer de synonymes, pavé de phrases définitives dont il faut se défier.

Sam. - Juin 19, 2004          



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