My beautiful Laundrette
Avachi
sur le sofa du salon, je récupérais mollement de l'after hours
fulgurant de la veille auquel j'avais été convié, alors
qu'habituellement je ne sors que rarement le samedi soir. Malgré ma
sobriété exemplaire à boire des sodas à la menthe, j'avais
ramené de cette fête une migraine tenace, exacerbé soudainement
par la sonnerie d'un appel téléphonique imprévu à cette
heure matinale, à peine 15 H ! Un ami, en citoyen convaincu, s'interrogeait
sur mon intention de voter et, pendant que je répondais avec conviction et
en cherchant un tube d'aspirine, sa voix semblait sortir du haut-parleur d'un
sound system gigantesque, l'écho en
moins.
Idem pour la cuillère à
café, qui en m'échappant des mains, me donna l'impression, en
rebondissant sur le carrelage, d'un sampling épileptique de cymbales
balinaises furieuses. Un peu revigoré par le demi-saladier d'arabica
englouti, je me traînais en maudissant mon cerveau, que parfois des
mauvaises langues prétendent minuscule, sujet à de telles
névralgies détestables. On était dimanche et il fallait que je
mette enfin en marche le lave-linge, pour éviter que le tambour ne se
transforme en parc d'attractions pour tous ces microbes sournois, tapis dans les
vêtements sales. Au bout d'un bref instant, la machine interrompit son
ronron régulier avec un claquement sec. Visiblement la spiritualité du
jour du Seigneur n'était pas au rendez-vous ou bien peut-être le type
était parti en vacances, un truc comme ça... Le fusible de la salle de
bains s'était suicidé sottement pour se venger d'un labeur idiot et
monotone. Seul problème, la boîte à fusibles se trouvait dans la
réserve de mon habitation, et moi guère plus intelligent, je ne
trouvais plus la clé trop bien rangée. Énervé grave par ce
nouveau contre-temps, j'envisageais, par facilité, de forcer la serrure de
la pièce, mais le souvenir d'avoir rebondi, telle une balle de ping-pong,
sur la porte métallique coincée du local à krypto, me dissuada de
renouveler cette expérience douloureuse pour mes épaules. Je ne suis
pas un warrior des accès rébarbatifs et en plus avec l'état ma
pôve tête servant de caisse de résonance à tant de bruits
parasites... Le lave-linge, un Glauquenech, ne disposait même pas d'un
boîtier de connexion pour qu'une hotline vigilante puisse tester l'engin.
Pas l'ombre non plus d'un groupe électrogène intégré, mode
kolkhoze tardif, car mon domicile est un territoire autogéré où
je fais des tournées de lessives en échange des travaux avisés de
bricolage d'André, alias Dédé le dépanneur, n'ayant que de
très faibles dispositions pour les travaux manuels. Là où j'ai
commencé à bugger méchant, c'est en m'apercevant aussi qu'un
réceptacle à piles n'avait même pas été prévu sur
un des côtés de la machine par cette dispendieuse marque
d'électroménager germanique ! Une honte ! Déjà qu'il avait
été impossible d'acquérir ce modèle avec les lettres et
symboles de fonctionnement inscrits en gothique, ce qui est un comble pour un
produit allemand dont on m'avait vanté de façon éhontée les
possibilités. Je ferais suspendre les prélèvements de 4 euros
mensuels (répartis sur 20 ans) en rétorsion de cet oubli technique
insupportable ! Non mais
!
En attendant, alors
que j'essayais d'enclencher un reboot mental de la dernière chance, mes
fringues n'étaient toujours pas nettoyées, en lutte dans l'eau
stagnante du tambour, avec une crasse visqueuse enhardie (et Laurel aussi) par
le complot implacable d'un fusible moribond, d'une serrure hermétique et de
la société teutonique précitée. Si quelqu'un pouvait avoir
la gentillesse de m'emmener en voiture au lavomatic le plus proche, mais pas
trop vite et avec les vitres baissées pour avoir de l'air, parce qu'en fait
j'ai à moitié envie de vomir
maintenant.
Je hais les
dimanches cotonneux, les lave-linge sournois et les clefs distraites
!