Sushis imposture
Depuis
longtemps déjà, j'avais envie de faire une prise de vue d'un plateau
de studio photo. Montrer l'envers du décor avec les projecteurs, les
parapluies de réflexion et le grand rouleau de fond. Seul hic, là
où j'habite, pas de grandes structures disposant de ce genre
d'équipements.
Alors, après avoir pris
contact avec des agences de Nantes ou Bordeaux où je vais souvent,
l'idée de cette photo s'est immédiatement évaporé de mon
cerveau : il fallait payer pour la location d'une séance avec le
matériel de base. Même avec un super tarif spécial "fauchman
always", consenti par une attachée commerciale sympa, ça faisait cher
pour illustrer un article de ce blog
!
Avant hier, c'est
à dire environ trois mois après cette envie farfelue et inassouvie, je
tombe littéralement sur Camille dans la rue Sainte Catherine, cette zone
piétonne bordelaise pour acheteurs compulsifs, arborant un magnifique
T-shirt d'un traiteur chic livrant à domicile. Et mon Camille de se
plaindre de la dureté du job servant à améliorer l'ordinaire de
sa vie étudiante, en m'énumérant son classement des clients
gentils ou pas... des architectes débordés, des magasins fashion aux
horaires élastiques, des directeurs affamés mais pressés, et...
un studio photo journalier ! Bingo ! On allait enclencher le mode imposture en
me faisant passer pour le remplaçant de l'été, Camille arrivant
de toute façon à l'avant-dernier jour de son contrat de travail. On a
partagé la tenue de travail, lui le T-shirt et moi la casquette, pour
livrer, à l'heure dite, la ration journalière alimentaire avec au menu
des sushis et une salade au tofu. Premier barrage de l'accueil franchi sans
encombre, pour ensuite laisser le repas dans un coin kitchenette sommaire
attenant au plateau de shooting. On a juste eu le temps d'un mode rafale
photographique avant l'irruption d'un technicien de labo. Présentation
rapide par Camille de ma personne, blablabla il me remplace à partir de
demain blabla alors je lui montre la tourné, etc... Gniark, gniark
!
Et voilà comment
on a assuré grave pour obtenir une petite photo comprise inopinément
dans un menu asiatique. Comme dans les films où on filtre tous les
accès à grand renfort de technologie, mais où l'employé du
gaz et la femme de ménage pénètrent sans difficultés
jusqu'au bureau du président. Si malgré l'ajout d'une copine en
incrustation sur la gauche de l'image et des boules orangées en
surimpression, vous reconnaissez l'endroit, inutile de me dénoncer ou bien
de déposer une plainte pour des dommages et intérêts : j'ai le
porte-monnaie archi plat. Je vous promets qu'en 2050, quand le monde aura enfin
compris l'immensité de mon talent et que les plus grandes
sociétés s'arracheront à prix d'or mes services, de louer le
plateau en question pour une bonne semaine avec un wagon d'assistantes
en minijupe de vos techniciens les plus réputés
!
Si quelqu'un
connaissait le neveu du beau frère du type qui amène les pizzas et la
bière, ou même l'oncle du cousin de celui qui sort les poubelles
à l'Élysée, je me ferais bien leur jardin en contre plongée
moi ! Avec l'expérience on s'enhardit hein forcément
!