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Ça m'a pris comme ça, en regardant nonchalamment la planisphère de la bibliothèque, mon deuxième bureau, où j'allais rapporter, suite à une lettre de rappel, l'habituelle cargaison de livres en retard. Déjà dans le bus de mer qui m'a amené dans ce paradis livresque, j'aurais dû me méfier de l'éclat des rayons de soleil dans l'écume tranquille. La bibliothécaire installée à la borne des retours, a bien tenté, avec un manque de conviction évident, de me rappeler mes obligations d'emprunteur, mais je n'étais déjà plus là, perdu dans mes envies de vacances.

Une petite escapade à Paris la tentaculaire pour aller traîner du côté de l'avenue Simon Bolivar et des Buttes Chaumont et faire un coucou à ma militante de soeur ? Pas le bon plan ! La camarade Armelle étant dans un pic fiévreux de son activité politique émérite en galopant d'assemblée générale en réunion préparatoire du grand soir. Aller me perdre dans la Creuse pour rendre visite à un couple d'amis, anciens galeristes et vrais cinglés, qui viennent d'acheter une ancienne fabrique de peinture sublimement belle, mais totalement dévastée ? Hors de question, car je fais une allergie définitive aux travaux de restauration : 100 m2 de parquet à ajuster bonjour les échardes dans mes petites mimines manucurées !

Alors en sortant de la bibliothèque, où j'ai promis d'être en avance sur mon prochain retard afin de pouvoir emprunter Les Justes d'Albert Camus, j'ai pris le chemin de la gare pour acheter : " 2 billets pour n'importe où à condition qu'il y ait du soleil" à une guichetière un peu interloquée. Ce sera donc une petite échappée à Collioure, que je connais si peu, pour vérifier ainsi que ce grand lac qu'on appelle mer méditerranéenne n'a toujours pas de marées. Mon fiston Timothé, (eh oui je suis papa ça vous épate hein !) fruit des amours éphémères avec une belle Franco-Irlandaise (ma plus belle erreur de jeunesse), sera du voyage en me rappelant dans un grand éclat de rire que ça n'est pas bien de lui faire manquer quelques jours d'école ! On part juste avec 2 brosses à dents, quelques vêtements et ma vieille caméra analogique pour aller tester l'ambiance et la lumière de cette belle cité si bien sublimée par Matisse.

Mon imprimeur, vieux jeune homme talentueux et plein d'une verve définitive, trouvera sans doute une bonne excuse pour expliquer le retard de ma maquette promise, le chat, ce gros sournois sympathique, va pouvoir se venger, en toute impunité, en se faisant les griffes sur le tapis du salon et Xiao, cette future éternelle étudiante, va continuer à se limer les canines, en répétant de façon incantatoire : je l'aurais, je l'aurais mon DEA de droit international !

Alors, pourquoi chercher à s'énerver en vain dans des travaux d'airain, alors que le printemps arrive dans dix jours ?

À bientôt les p'tits loups, je reviens vendredi prochain.


Sam. - Mars 12, 2005          



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