Lettre du Japon




Salut alt ! J'ai préféré prendre le temps de m'acclimater à la vie tokyoïte et digérer les 12 heures de vol sans escale puis les 7 heures de décalage horaire (en plus) pour t'écrire mes premières impressions. L'aéroport d'arrivée, Narita, est déjà pratiquement une ville dont il faut s'extraire pour prendre le Keissei Skyliner, un train hélas différent du Sinkansen le TGV local, qui relie ce terminal, éloigné de 70 km, à la grande gare du centre-ville, Ueno.

J'arrive maintenant, au bout de 4 jours, à localiser mon quartier de résidence, Harajuku, où j'ai élu domicile dans une chambre d'hôtel minuscule. Avoir étudié un peu le japonais en France m'est très utile ici, car les gens parlent peu anglais ou alors souvent avec un accent incompréhensible ! Je me perds plus ou moins volontairement dans cette mégalopole de 30 millions d'âmes et avec force de "O Misete Kudasai "(pouvez-vous me montrer ?) et du réseau de transports très dense j'arrive à me balader sans trop d'appréhension. Le plus difficile, dans les rues, est de s'habituer à la densité de la foule, perpétuellement en mouvement, et donc à une notion de l'espace très différente. Les Japonais le plus souvent, courtois et affables, vivent une existence très ritualisée ponctuée d'actions incompréhensibles pour moi, occidental, qui n'a pas les mêmes "codes" et j'espère ne pas commettre trop d'impairs de grand barbare blanc ! En vrac quelques anecdotes vécues : dans le métro par exemple les hommes lisent de petits opuscules de BD très très sexe (hentai ?) sans que personne ne s'en offusque. À la fin d'une course en taxi, en sortant du véhicule, ne pas essayer de refermer la portière coulissante (asservie par un petit mécanisme de retour) c'est automatique... Ne pas critiquer directement quelque un, c'est parfaitement incongru, car votre interlocuteur doit garder la face... Tous ces détails sont révélateurs de la vie japonaise, mais j'avoue ne pas tout comprendre. Pour un Français, le coût de la vie est globalement excessif dans la grosse mandarine (surnom de Tokyo !) et curieusement, on paie en cache dans beaucoup d'endroits et non en cartes de crédit ! Je me suis précipité bien sûr dans les rues de Akihabara (en japonais: 秋葉原).

Ce quartier immense, temple de l'électronique, appelé aussi "Electric town" est tout simplement hallucinant. Si on trouve du matériel informatique un peu moins cher qu'en France, on peut surtout acheter des modèles qui ne seront disponibles en Europe que dans plusieurs mois. Éviter par contre l'axe principal, Chuo Dori, avec les grosses enseignes pour touristes et préférer la myriade de rues attenantes où de minuscules magasins, installés parfois en sous-sol, sont dédiés à une seule sorte d'élément; un tel ne vend que des écrans, un autre que des disques durs, etc. Certains proposent aussi, avec de bruyants "Irrashaimase !" (bienvenue !), une foultitude de gadgets dont les Japonais sont très friands comme des câbles USB fluorescents ou même des tours d'ordinateurs avec des couleurs très criardes ou bien incrustées d'images en hologrammes particulièrement kitsch ! Malgré des tentations permanentes, je vais attendre un peu pour acheter un objet, notamment un organiseur/traducteur avec des touches de couleur lumineuses et sonores, afin de mieux me renseigner sur les normes, ici différentes. Le courant électrique est du 110 volts et les écrans fonctionnent en NTSC et non en Pal/Secam. Je dois aller demain dans un autre endroit, Shinjuku, qui commence à concurrencer, paraît-il, Akihabara. Il va me faudrait plusieurs vies pour visiter tout ce que je souhaite voir.

Enfin, pour te faire définitivement baver, les débits moyens de connexion fixe à internet sont couramment de l'ordre de 8 à 12 Mb/s en download, pour environ 2 280 yens mensuels, soit l'équivalent de 20 euros. J'ai lu dans l'édition anglaise du journal Asahi Shimbun, que le fournisseur Yahoo BroadBand proposerait sous peu une offre d'accès à 50 Mb/s grâce à la fibre optique.

Malgré la fatigue de cette ville trépidante, je suis sorti hier soir pour manger des tempuras (sortes de beignets de crevettes) à Shibuya, quartier limitrophe et animé du mien, et Tokyo m'est apparu "ukiyo" (monde flottant), avec sa profusion d'immeubles aux façades couvertes de néons tentaculaires et d'écrans géants de publicité. Bref, une sorte d'urbanisme apparemment anarchique, où une vie intense s'organise, du niveau moins 10 d'une galerie marchande bariolée aux étages supérieurs de constructions, hérissées de projecteurs. Blade Runner en vrai, version soleil levant ! Vite, vite, car dans trois semaines je vais revenir à Saint-Nazaire et ça va me faire bizarre de retourner au début du XXIe siècle moi qui t'écrit d'un futur extrême oriental !

Mathieu Giret

Mar. - Juillet 20, 2004          



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