Post-Pop Art












En ce début de millénaire, sommes-nous les enfants illégitimes des concepts warholiens ? Bien sûr, on pourrait rétorquer, au vu de l'atomisation présente des courants picturaux, que la filiation avec l'héritage graphique de Andrew Warhola (son vrai nom) est une solution facile de recyclage, témoignant de l'absence de visibilité de mouvement actuel artistique signifiant.

Il manque à chaque époque, et la nôtre ne déroge pas à la règle, du recul ou une intuition prémonitoire pour évaluer la portée future des actuels artistes émergents, et bien que Warhol ait connu une notoriété rapide en tant qu'illustrateur publicitaire, ce n'est qu'à partir de la fin des seventeens qu'on a pu mesurer l'influence de son travail en corollaire de ses multiples productions utilisant des supports très variés. Plutôt que de marteler, telle une vérité illusoire et surfaite, qu'il fut un grand visionnaire, comme si la fonction de création induisait naturellement une quelconque prescience stylistique, il serait bon de se rappeler simplement que ses oeuvres étaient vouées, par leurs contenus, à entrer en résonance avec l'air du temps de décennies successives, avec une portée que n'auront pas d'autres performers talentueux : Tom Slaughter, coloriste subtil mais oublié, ou bien le précurseur anglais Richard Hamilton, adepte habile des collages papier et expérimentateur plus discret d'un pop quotidien.
La force de Warhol est d'avoir su communiquer de façon constante sur son travail et d'avoir promu, plus que les autres, d'une manière proclamatoire, mais ambivalente, la fin de l'unicité de l'oeuvre d'art par la répétition sérigraphique. Détail trop souvent oublié, seules les commandes, des gens célèbres dont il savait s'entourer, étaient signées manuellement, afin d'alimenter à la fois son prestige et les frasques de la Factory. Mais la vie du Pape du Pop Art, comme aimait l'appeler sa cour de flatteurs, ne se limitait pas à sa soif paranoïaque de reconnaissance et aux paillettes de sa fin de règne. Il fut réellement un artiste multimédia avant la lettre, épris du clonage visuel que ne renieraient pas les graphistes numériques de maintenant. Ces oeuvres, affiches, films, écrits journalistiques et autres conceptions alors avant-gardistes, révèlent son obsession de la mort et de la starification, de l'accumulation d'objets pour combler le cynisme existentiel du "moi je", et l'analyse et l'appropriation distanciée du quotidien. Ce plasticien, à l'écoute de références urbaines, a su ériger, en concepts modernes, son champ d'applications de bien des leitmotives inconscients de ces contemporains : androgynie sexuelle latente, survalorisation de représentations iconiques et slogans de réflexion identitaire comme la phrase désormais célèbre "les gens disent toujours que je suis un miroir. Si un miroir regarde un autre miroir, qu'est-ce qu'il peut bien voir ? ".

De l'héritage graphique de Andy Warhol, mise à part les toiles de Basquiat prolongeant de façon chaotique les idées du maître, Keith Haring revendiquant l'instantanéité du geste et Paul Morrissey, cinéaste officieux de la Factory, gérant difficilement l'échec de son dernier opus de 1988 "Spike of Bensonhurst", peu de personnes ont survécu, artistiquement à la vampirisation et l'allégeance au Pape de la Pop. Si tout le monde revendique l'esthétisme warholien, en une sorte d'hagiographie plus ou moins respectueuse, la tentation de réaliser du du Warhol-like a toujours été une sorte d'altération très diminuée de l'original. Seule exception notoire, la presse, média emblématique de l'artiste, a repris avec parfois beaucoup d'ingéniosité, les aplats polarisés de couleurs, le côté cellophane superposé, en des mises en pages sophistiquées. De l'image devenue pop, la boîte de soupe Campbell, aux publicités d'aujourd'hui sur le papier glacé des magazines tendance : l'art-business vainqueur.
-"Eh Andy ! au paradis des illustrateurs les parties sont-elles V.I.P ?".

série Égéries Pop











Mer. - Avril 20, 2005          



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