LR La Pallice
Bien
que sa date de création soit relativement récente (1890) La Pallice
est une des zones la plus intéressante de l'agglomération rochelaise.
Il reste ça et là des traces architecturales de l'activité
portuaire bourdonnante qui à perduré pendant près de 100
ans.
On imagine mal, en parcourant ce
quartier maintenant en demi-sommeil, qu'il y a eu jusqu'en 1970 des liaisons
transatlantiques régulières avec la ville de Valparaiso au Chili
grâce à la Pacific Steam Navigation Compagny basé à
Liverpool. Dans le même ordre d'idées beaucoup de familles rochelaises
ont des liens familiaux avec des ressortissants des U.S.A. La raison est simple
: de l'après-guerre mondiale à 1962 une base de militaires
américains était installée à La Pallice, faisant travailler
par leur présence une partie non négligeable de la population locale.
Quand De Gaulle, dans un grand élan nationaliste, a demandé à
l'état major yankee de l'époque de quitter la France, de nombreuses
jeunes femmes du cru mariées à des GI'sont spontanément parties
avec leurs époux militaires pour une Amérique perçue comme pleine
de promesses et d'avenir. Pour l'anecdote un ami, krypto pour ne pas le nommer,
eu la visite cet été de Christophe, un grand gaillard de 30 ans, le
fils d'une de ses grandes tantes partie en 1962. Ce jeune homme était venu
à la recherche des origines françaises de sa maman. Ça a
été très émouvant pour krypto de nouer des liens avec un
membre éloigné de sa famille 100 % made in U.S.A, s'exprimant dans un
français hésitant et avec une ressemblance morphologique
certaine.La Pallice,
qui est finalement plus une ville à part entière qu'un quartier, a
gardé, malgré sa déshérence économique, ce
particularisme si fort de toute zone portuaire, où qu'elle soit dans le
monde... et moi ça m'a toujours fait rêver ! J'adore l'ambiance des
docks industriels, traîner sur les quais derrière le boulevard de la
Soif, même si parfois certains recoins ont la réputation, à juste
titre, d'être plus ou moins malfamés à cause de multiples petits
trafics qui donnent des poussées d'urticaires aux agents des douanes
installés sur le site ! Il ne m'est jamais rien arrivé de
désagréable, aussi peut-être parce que ce territoire m'est
familier depuis si longtemps. Le monde de la marine marchande et surtout leurs
codes de comportement sont sans doute un peu frustres, mais jamais gratuits :
l'imbécile de service qui vient jouer les Marlon Brendo d'opérette,
pour frimer devant sa nouvelle copine, en allant chercher des noises à de
solides bonhommes ayant passé 3 mois en mer sans escale, n'aura que ce
qu'il mérite s'il repart en slip. Faut pas les chauffer les matelots...
d'autant moins que la première chose qu'ils font en arrivant à terre,
c'est d'ingurgiter de grosses quantités d'alcool fort. La Pallice est un no
man land exempté de badauds, car ici on est au bout du monde avec des mecs,
qu'ils soient simples dockers, remorqueurs ou commandants de bord qui sont des
gens avec des vies difficiles : ils travaillent dur, passent la plus grande
partie de leur existence sur des ponts de navires quelque soient les conditions
climatiques. Mais paradoxalement, malgré la noirceur apparente de cet
univers, i l y a une vraie poésie des lieux avec le cliquetis des grues de
déchargement, les sirènes au timbre profond des cargos, les signaux
magiques du sémaphore du môle d'escale, la cohabitation de plusieurs
langues parlées par des centaines de marins en transit. Les Ukrainiens et
leurs chansons si belles et si tristes, les Turcs imperturbables, à la
malice très orientale, les Africains rigolards et magouilleurs. Petit monde
clos où existe une vraie solidarité, à condition d'y avoir fait
ses preuves.
Je peux comprendre que l'on
ait quelque réticence à apprécier La Pallice pour des raisons
d'ordre esthétiques ou bien morales. Ici pas de belles perspectives
historiques peuplées de bourgeois rochelais bon teint, juste le va et vient
incessant de gros camions de fret et les sourires tarifés des putes que
l'on aperçoit dans la pénombre de trois ou quatre bars
décorés de lumières criardes. Pourtant j'ai souvent
rencontré dans les quartiers populaires qui bordent les deux grandes
artères principales des parcours étonnants de femmes fatalistes mais
résolues, d'hommes opiniâtres aux mains calleuses et de gosses rieurs
et démerdards; tous remplis de bien plus d'humanité et
d'authenticité que dans les salons feutrés et suffisants du
centre-ville.Bien
sûr les esprits raisonneurs me rétorqueront avec beaucoup d'à
propos que ce petit monde, aux existences laborieuses et précaires, ne
représente pas la majorité de la population Pallicoise. Bien sûr
! Mais qu'ils soient médecins, chômeurs, commerçants, dockers ou
simples résidents, tous ont une certaine fierté à habiter et
vivre dans cet endroit. La Pallice est la plus belle ville moche que je
connaisse avec ce supplément d'âme de ceux dont la ligne de vie et
d'horizon est une déclinaison de bleus azurés et maritimes dont ils se
nourrissent.    
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