Mémoire d'eau







Ça n'est pas pour relancer la polémique sur la très controversée théorie de la mémoire de l'eau que j'ai entrepris ce billet, mais plutôt pour vous parler prosaïquement de mon attirance pour ce précieux liquide, indispensable, en dehors des conditions d'hydratation nécessaire à toute vie, à la pratique de mon sport favori la natation.

Je profite de ces quelques semaines de répit avant les vagues successives de vacanciers tonitruants pour parfaire mon crawl que je voudrais plus souple et délié. En mer avec une combinaison les jours ensoleillés, ce qui me fait ressembler à un adepte de latex, ou en piscine, vêtu plus simplement d'un maillot de bains coloré et d'un bonnet avec les yeux protégés de lunettes de protection qui me donnent l'allure d'un croisement entre un préservatif géant et une grenouille. Trois kilomètres par semaine pour éliminer le stress du travail et de mes yeux rivés sur mes écrans d'ordi. Et puis une piscine publique permet d'observer, dans un espace défini, les multiples comportements humains, de nageurs ou nageuses plus ou moins confirmés. Suivant les jours et surtout les heures, des populations aquatiques se succèdent en une sorte de vaste ballet liquide et il vaut mieux connaître les usages et les horaires des différentes variétés d'adeptes de l'eau chlorée. Le matin est dédié à l'effervescence tonitruante des scolaires et des apprentissages parfois laborieux. Le midi ce sont, majoritairement, les employées des nombreuses administrations ou bureaux des alentours, qui viennent entretenir leurs formes en papotant avec une copine en une brasse nonchalante mais rythmée, sous les évaluations parfois assassines des visiteurs affalés négligemment sur les gradins. L'après-midi, quand l'unique bassin de 50 m est ouvert aux individuels, de paisibles retraités, et quelques glandeurs ou égarés, s'ébrouent avec bonheur dans la tiédeur de l'eau. Et je parle bien de tiédeur de l'eau, même si elle n'est qu'à 26 °, car au-delà de cette température, les microbes prolifèrent et la différence thermique ne serait pas suffisante pour refroidir le corps des nageurs confirmés. Enfin le soir marque l'arrivée des nageurs tueurs, épris de vitesse, aux palmes profilées comme des ailerons de requins, très sourcilleux sur la disponibilité de LEURS lignes d'eau. Gare aux distraits, amateurs de ronds dans l'eau, qui n'auraient pas le réflexe de laisser passer ces hors-bord humains, avides de longueurs frénétiques et syncopés. Petite précision de genre : j'ai employé le masculin pour décrire ces comportements nautiques, afin d'éviter une certaine lourdeur de texte, mais les nocturnes de la piscine sont également peuplés de sirènes forcenées, fuselées telles des torpilles, amazones lacustres, au timing de nage exalté.
Grâce à la complicité d'un ami, ayant travaillé régulièrement en tant que géomètre, pour l'élaboration des nombreuses piscines des nouveaux riches, installés depuis peu sur le littoral, un nouveau sport local est apparu à la belle saison : le squat inopiné et nocturne de bassin privé. À plusieurs, et en général au sortir du dernier bar qui ferme, le jeu consiste à rester à barboter le plus longtemps possible dans de sublimes réceptacles de faïence délicate, pour évacuer les vapeurs de la nuit, avant que le propriétaire ou la maréchaussée, s'il est craintif, ne vienne à arriver. Dans le meilleur des cas, au vu de l'insolence de notre jeunesse, on prétextera la confusion avec la piscine d'un copain nous ayant invités pour la première fois...

Cette passion pour l'eau m'a donné l'envie de répertorier et de prendre en photos de beaux endroits, en une sorte de cartographie bleutée, pour trouver un éditeur complaisant qui voudrait prendre le risque de la publication d'un tel opuscule. Si le projet tombe à l'eau je n'ai pas fini de ramer... (blague nulle du dimanche soir qui fait plouf !).


Dim. - Avril 24, 2005          



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