LR centre ville








Comment parler de l'endroit où j'habite sans paraphraser les tonnes de guides touristiques et les quelques écrivains qui ont écrit avec talent sur cette belle cité huguenote ? J'entretiens un rapport complexe avec La Rochelle, avec le sentiment un peu vain d'habiter dans un lieu où chaque maison, chaque rue est chargée d'un riche passé historique. En même temps résider dans une carte postale grandeur nature n'est pas si évident que ça : une ville-musée par définition, au même titre que Venise (pour la préservation exacerbée du patrimoine) est un endroit magnifique, mais figé qu'il faut partager.

La ville n'a d'autres atouts que de vendre ses innombrables rues bordées d'arcades, ses hôtels particuliers, témoins d'un faste grandiose mais révolu et autres fantômes du passé. D'ailleurs à force de communiquer sur la splendeur de La Rochelle la maritime, les visiteurs tombés sous le charme, veulent tous à un moment ou à un autre acheter un appartement ou une maison ici. Des activités originelles du 18e siècle il ne reste pas grand-chose : la pêche est moribonde et la trentaine de familles qui tiennent encore la ville ont dû, avec plus ou moins de bonheur, opérer une reconversion forcée dans la limonade, la restauration et le négoce de biens immobiliers. Grandeur et décadence des enfants et petits enfants d'armateurs, qui ont troqué les sextants et les cartes maritimes pour des calculettes d'épiciers. De la rigueur calviniste passée il ne reste rien au vu de l'animation nocturne et festive du port et des rues adjacentes. Des bars comme si il en pleuvait, de tous styles et tous genres, d'innombrables restaurants à la gastronomie pas toujours à la hauteur de la réputation de la ville et une population locale étonnante avec une classe moyenne fortement sous représentée. Cohabitent donc dans le centre historique deux catégories de personnes : les très riches ayant acquis à prix d'or de grands appartements avec boiseries d'origine (so chic) et une myriade de studios et deux pièces ou s'entassent des moins de trente ans, étudiants par crainte du chômage, voileux inspirés et fauchés sympathiques... Le travail ici plus qu'ailleurs est particulièrement rare et saisonnier et si d'aventure vous venez déjeuner un jour sur le port le serveur qui vous apportera votre commande a plus souvent un niveau bac+4 qu'un diplôme hôtelier en poche. Avec la colonisation massive de son territoire immobilier par des seniors fortunés La Rochelle a perdu son âme ou plutôt l'a vendu aux sirènes de l'immobilier. Reste une belle coquille vide arpentée par des gens très comme il faut et il est plus facile de trouver un costume Armani à 1000 euros (la marque des parvenus) que d'acheter du poisson frais. D'ailleurs, la dernière poissonnerie de la ville, située rue du Temple, a fermé il y a 3 ans. Un comble pour un ville maritime.

Malgré tout, habiter ici peut-être un véritable enchantement, une fois que l'on a assimilé (ou accepté) les contraintes précitées. Les touristes sont perpétuellement agglutinés dans un périmètre finalement très réduit (le port et sa périphérie piétonne) laissant, grâce leur inculture pressée, plein d'endroits magiques, au charme suranné, inexplorés. Ne compter pas sur moi pour nommer les images qui suivent, car avec un peu de temps et de chance si vous arrivez à découvrir un de ces lieux splendides votre premier réflexe sera d'en garder la vision pour vous. Sinon si vos envies sont dominées par l'impatience et la peur de la tranquillité il vous restera la possibilité de rejoindre les Parisiens stressés qui font le pied de grue sur le cours des Dames défiguré par leur présence désespérément suffisante.

Selon la formule habituelle qu'une image vaut 10 000 mots vous pouvez clicker sur les neuf vignettes ci-dessous et avec elles on arrive à 90 000 soit pratiquement la taille d'une nouvelle. Faudrait-elle l'appeler Lost in La Rochelle ? tsss, parfois je me demande si je ne devrais pas faire un blog uniquement avec des images et des légendes !









Mar. - Août 30, 2005          



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