Ivresse livresque










Qu'on me pardonne ce titre maladroit, mais il résume assez bien l'esprit de ce billet. Habituellement le Lu Vu Entendu bimensuel est dévolu à la découverte de films, musique et écrivains. De temps à autre, à l'occasion d'un livre que je trouverais peut-être un peu plus intéressant qu'à l'accoutumée, j'écrirais quelques lignes sur son contenu.

Ma lecture de ce premier roman de Céline Curiol, journaliste française installée à New York, est née d'une vaine frustration. J'entends sur France Info une bonne critique sur ce titre et, naïvement, je cherche des informations relatives à ce livre sur le Net. Et là, telle une désolation littéraire, le même résumé de l'éditeur Actes Sud, rigoureusement reproduit, ad nauseam, sur la majorité des sites traitant de choses culturelles.
Malgré l'invraisemblance du métier pratiquée par l'héroïne de l'histoire, sensée annoncer les horaires des trains à la gare du Nord, alors que ce type de messages vocaux sont pré-enregistrés depuis fort longtemps, Céline Curiol nous plonge, en une écriture souple mais intense, dans les méandres de la vie de cette jeune fille très impatiente, aux prises avec les affres d'un amour impossible, et d'une errance nocturne dans un Paris parfois interlope et incertain. Dans cette quête obsessionnelle de l'autre, sorte d'allégorie moderne de la difficulté amoureuse, apparaissent les illusions, la sincérité et les échecs d'un monde urbain si réel et parfois pathétique. On est happé par la chronologie narrative, désespérément envahi par les aventures de cette femme sans nom, avec une minutie et un sens du détail implacable, sur la nature humaine, la ville, la vie. On a presque l'impression qu'elle n'acquiert une matérialité qu'en fonction des rencontres, elle qui n'est qu'une voix durant son travail. Piétonne nocturne à la recherche de promesses, dans une sorte de cartographie sentimentale correspondante à ses parcours de rues, par peur d'un immobilisme plein de questions.

Il y a un ton, un style Céline Curiol et une façon très juste de décrire, parfois avec un humour subtil, des ambiances, des sentiments, et en lisant on est dans le roman ! Ce qui est un b. a. b a souvent oublié dans beaucoup d'oeuvres de ces contemporains, perdus dans de lourds pensums introspectifs, joliment rédigés mais sans âme. Saurait-elle trouver dans ses futurs écrits la consistance lumineuse de ce premier roman ?





Ven. - Mai 20, 2005          



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