Éloge de l'imparfait












On va encore croire à une facétie pour me rendre intéressant. Pourtant, il faut bien que je l'avoue, je suis un piètre photographe ou plutôt je fais de mauvaises photographies exprès. J'imagine déjà le désespoir de quelques-uns, qui s'appliquent, à grand renfort de cinq ou huit millions de pixels, à des rendus le plus réaliste possible pour de belles images correctement exposées.

J'aurais pu appeler ce billet éloge du raté, mais ce titre aurait été perçu comme trop équivoque, au regard des centaines de photographies que je shoote régulièrement. Rien ne m'est plus agréable que de retravailler la chromie d'une image pour l'user un peu et qu'elle perde cette froideur mécanique des appareils numériques, avec ces couleurs si stables et léchées. J'ai eu la chance d'avoir des parents qui jugeaient plus utile de me faire manquer parfois une après-midi de cours, pour m'emmener voir une exposition inédite au Grand Palais ou toute autre salle d'exposition digne d'intérêt. Certaines toiles m'ont profondément marqué, comme La descente de l'escalier de Louis-Léopold Boilly, un tableau de toute beauté qui m'effrayait, pendant que d'autres, telle que La Fée Électricité de Dufy, me plongeaient dans une contemplation sereine.
Les choses se sont un peu compliquées avec l'arrivée de mon premier appareil photo, un redoutable Instamatic Kodak, que j'avais échangé avec un copain, avec la vaine promesse de lui faire rencontrer ma soeur. Au vu des possibilités réduites de réglages de l'engin, j'avais trouvé un moyen ingénieux pour coloriser les photos en noir et blanc, avec des encres Pébéo, que j'appliquais avec de petits tampons de coton recouvert de tissu. Le bricolage d'images ne m'a alors plus lâché... et je m'évertuais à transformer des perspectives de rue trop sages en de savantes compositions exotiques. L'usage graphique détourné étant la règle, les autorités parentales avaient jugé plus prudent de soustraire à mes envies d'expérimentation les quelques livres d'arts qu'ils possédaient ! Puis un Polaroïd, cet appareil avec la promesse d'une photo quasi instantanée, m'est tout de suite paru prometteur. Il suffisait, sitôt l'image sortie, soit de la mettre au congélateur pour figer le processus chimique des couleurs ou à l'inverse de flasher le support au micro ondes pour des effets bleutés très électriques ou de jongler avec les deux possibilités à la fois... sous l'oeil atterré de mon entourage.

Pour la plus grande joie des appareils électroménagers, j'utilise maintenant, depuis quelques années, Photoshop, où avec un peu de pratique on peut, sur une illustration, déplacer un pont, superposer des objets, changer une teinte, flouter un relief, etc... Les capacités de ce logiciel (et celles disponibles de la mémoire de l'ordinateur sollicité) seront tout de fois assujetties au degré de dextérité des utilisateurs. C'est la main qui fait le dessin, pas le crayon qui l'accompagne !
Vous l'aurez compris, je suis un peintre refoulé qui s'évertue à modifier et altérer les clichés du réel pour qu'ils ressemblent aux rêves oniriques qui m'habitent.


Mer. - Mai 4, 2005          



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